Une solution amiable sur mesure : la médiation

07/12/2023

Myriam BACQUÉ

Alors que chacun a pu, à titre personnel, ressentir dans sa vie les bouleversements inédits de deux longues années de crise sanitaire internationale, les entreprises subissent elles aussi, de plein fouet, les conflits de toutes sortes avec un regain certain des tensions dû aux conséquences de la pandémie. Le constat est en effet sans appel au sein même des organisations, petites ou grandes : les relations humaines entre salariés, managers, associés, partenaires, clients ou fournisseurs sont plus tendues et complexes aujourd’hui, qu’avant la crise sanitaire.

Dans cet environnement mondialisé devenu hostile dans certaines parties du monde et fort instable, où tout change vite et en permanence, les dirigeants d’entreprises subissent eux aussi cette accélération inhumaine du temps. Ils vivent au quotidien cette injonction contraignante de l’adaptation permanente au changement avec un risque avéré de blocage du système « entreprise » s’ils laissent les problématiques non résolues et les conflits quels qu’ils soient, s’installer.

Tous les médiateurs aujourd’hui appelés au chevet des organisations, comme des pompiers, pour éteindre les multiples feux, s’accordent ainsi à le dire : les tensions et conflits ont augmenté grandement entre 2020 et 2022 et les réponses classiques apportées par la Justice ne semblent plus adaptées, faute de temps et d’espace pour accueillir ces flots liés à la tempête COVID et à la guerre en Ukraine.

Le temps du procès n’est décidément plus celui de l’entreprise d’aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a vraiment changé ? Dans de nombreux différends entre clients et fournisseurs, associés, partenaires économiques en France ou à l’étranger, que ce soit dans des entreprises privées ou bien des organisations publiques, les personnes ont davantage identifié ce besoin fondamental de tout être humain d’être écouté, reconnu et force de propositions dans la résolution des problématiques vécues. Les individus s’affranchissent alors des procédures judiciaires qui, trop souvent, ne créent que des perdants et ne prennent pas en compte la dimension humaine du conflit.
Bonne nouvelle : les acteurs économiques se mobilisent davantage de nos jours pour trouver par eux-mêmes les solutions à leur litige devenant ainsi les acteurs de leur propre avenir et de la sortie de crise ; ils ne cherchent plus à déléguer systématiquement à un tiers la solution à leur difficulté. C’est là une attitude responsable et novatrice de la part des dirigeants d’entreprises. Faire appel à un tiers neutre spécialiste de la gestion des conflits devient un réflexe vertueux.

Un cadre favorable à la médiation

La médiation ne date pas d’aujourd’hui. Elle s’est réellement développée en France dans les années 80. Elle a été reconnue au niveau judiciaire dans le Code de procédure civile par la loi du 8 février 1995 et son décret d’application du 22 juillet 1996, qui a consacré les articles 131-1 à 131-15 sur la médiation judiciaire. Depuis lors, le législateur n’a cessé de lui donner une place grandissante et a favorisé le développement de la médiation conventionnelle.

Comme le précise le collectif Médiation 21 dans son Livre Blanc de la Médiation remis au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux le 17 octobre 2019, la médiation a émergé « grâce à la conviction […] que la meilleure façon de dénouer les conflits passait par l’instauration ou la restauration de communications verbales interpersonnelles et par la responsabilisation des acteurs dans la résolution de leur propre conflit. »

Mode amiable de prévention et de résolution des différends, la médiation répond donc au besoin d’évolution de notre société en restaurant du lien dans un monde où la communication est de plus en plus complexe.

Les réformes législatives etrèglementaires récentes se succèdent pour offrir aux modes amiables de résolution des différends toute leur place. Pour preuve, le dernier projet de loi sur la confiance en la justice qui intègre dans son article 29 des amendements votés en première lecture à l’Assemblée Nationale et créer un Conseil National de la Médiation chargé de garantir une médiation de qualité pour tous.

Chacun perçoit aujourd’hui le potentiel pacificateur et créatif de la médiation. L’intervention de ce tiers neutre, impartial et indépendant, de ce professionnel des relations humaines, formé à la médiation et dont la mission est de rétablir la communication entre les personnes en conflit, ouvre en effet un espace de démocratie à notre société post-moderne en mutation profonde.

Un processus qui remet le dirigeant d’entreprise au cœur de la décision

Nous entrevoyons toutefois le chemin qu’il nous reste encore à parcourir. La médiation ne devrait pas seulement devenir une simple procédure dite alternative à la justice étatique mais un mode d’accès au droit, à part entière, au service d’un nouveau modèle de société. Ce monde en devenir qui est à la portée de chacun d’entre nous, il nous faut le construire d’urgence. En effet, grâce à la médiation, à chaque fois que cette voie sera meilleure pour les justiciables qu’une solution imposée, la première place sera redonnée à l’homme dans sa relation aux autres. La prise d’autonomie qu’induit la médiation, la collaboration entre les individus qu’elle génère, sont en effet créatrices de richesses et d’ouvertures infinies. La paix sociale devient alors à la portée de tous. Grâce à la médiation, « je co-construis » au lieu de « co-détruire » ; « je décide » au lieu de subir ce que d’autres peuvent m’imposer. Voilà certains des enjeux fondamentaux qu’induit la médiation.

Comme l’indique une étuderéalisée par Marcel Goldschmid, ancien professeur de psychologie du management à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et consultant en entreprise, le coût relatif aux conflits en entreprise représente des sommes exorbitantes. En effet, les frais engendrés par les litiges, salaires impayés, demandes d’indemnités, contestations de sanctions, harcèlement, discrimination, et licenciements abusifs peuvent représenter un coût mensuel allant jusqu’à 200 000 euros pour une entreprise de 100 employés. Le coût de remplacement d’un collaborateur à la suite d’un conflit (ce qui arrive dans au moins 50% des cas) dépasse de 150% son salaire annuel.

Ainsi, les managers passent environ 30% de leur temps à traiter des conflits. Ces conflits au travail concernent 85 % des salariés, qui les affrontent pendant 1,8 heure par semaine en France. Comme le précise le professeur Goldschmid, « la première responsabilité de la prise en charge d’un conflit incombe au manager. C’est d’abord à lui de veiller aux relations harmonieuses entre ses collaborateurs et avec lui-même dans son unité et avec l’extérieur. L’intervention devrait se faire au premier échelon et seulement en cas de blocage être gérée à un niveau supérieur. »

Avant de faire appel à un tiers neutre pour une médiation, il est donc du ressort du responsable hiérarchique direct de prendre en main la résolution amiable des conflits dans ses équipes. En étant lui-même formé à la médiation, cela permet au manager d’améliorer ses relations et communications directes avec ses collaborateurs et de pouvoir agir en posture de facilitateur lors des conflits entre ses collaborateurs. C’est là tout l’enjeu des formations diplômantes ou certifiantes à la médiation et à la résolution amiable des conflits.

La définition de la médiation

La médiation est un processus amiable qui se distingue d’autres notions voisines comme la négociation et la conciliation. Si l’objectif de ces trois modes amiables est commun, celui de la prévention ou de la résolution du conflit, la médiation se caractérise par l’intervention d’un tiers neutre auquel les parties ne confèrent aucun pouvoir contraignant.

La médiation peut ainsi se définir comme un « processus structuré, volontaire et coopératif de prévention et de résolution amiable des différends qui repose sur la responsabilité́ et l’autonomie des participants. Initiée par les intéressés eux-mêmes, leurs conseils, les représentants d’une organisation ou un magistrat, la médiation fait intervenir un professionnel formé en médiation, neutre et impartial. Facilitateur de communication, sans pouvoir de décision, ni rôle d’expertise technique ou de conseil, le médiateur favorise le dialogue et la relation, notamment par des entretiens et rencontres confidentiels ».

La négociation, qui a également pour objectif de trouver un accord, se concentre quant à elle, sur les enjeux et les intérêts des parties. La conciliation, pour sa part, est également une procédure amiable dans laquelle le conciliateur peut proposer une solution.

Les atouts de la médiation

Aller vite dans l’intérêt de tous,
Maîtriser les coûts et les délais,
Rétablir la communication et rester maître des décisions,
Rechercher des solutions pragmatiques, durables et exécutables,
Favoriser la créativité et la collaboration de tous,
Conserver la confidentialité des problématiques à résoudre.

Les chiffres clés de la médiation

• 7 500 € économisés en moyenne par rapport au coût d’un procès (Stat. Union Européenne)
• 85 % des médiations d’entreprises aboutissent à la signature d’un accord
• 100% d’exécution des accords de médiation
• 4 heures en moyenne pour réussir une médiation B to B
• 1 seule réunion dans la majorité des dossiers

Comment mettre en œuvre une médiation ?

Il s’agit d’un processus souple et efficace.

EN AMONT DE TOUT PROCÈS, 4 situations possibles :

1- L’entreprise saisit elle-même un centre de médiation comme la MAISON DE LA COMMUNICATION, ou un médiateur directement qui va alors servir d’intermédiaire neutre pour proposer la médiation à son contradicteur et trouver les atouts pour le (les) convaincre de s’asseoir à la table de médiation.

2- Les personnes morales ou physiques en conflit saisissent ensemble le centre de médiation ou le médiateur pour qu’il organise une médiation dans les meilleurs délais. C’est la solution la plus simple car toutes les personnes sont déjà d’accord pour aller en médiation.

3- Le dirigeant d’entreprise qui perçoit un risque psycho-social au sein de l’entreprise, prescrit une médiation à son ou ses collaborateurs afin de remplir l’obligation de résultat qui incombe aux managers de faire cesser le trouble dans les meilleurs délais.

4- Une clause de règlement amiable est déjà prévue dans le contrat litigieux, le bail, le pacte d’associés qui oblige, en cas de conflit, à mettre en œuvre cette phase amiable, en présence du médiateur, tiers neutre et indépendant, avant toute saisine du juge.

LE TRIBUNAL EST DEJA SAISI : IL EST ENCORE TEMPS DE TENTER LA VOIE AMIABLE

5- Si aucune phase amiable préalable n’a été prévue dans la relation contractuelle, le dirigeant d’entreprise peut encore tenter la voie du dialogue en demandant à son avocat de conclure en sollicitant une mesure de médiation judiciaire et ce quel que soit le stade de la procédure. Le juge pourra alors s’en saisir et ordonner une médiation en désignant alors un centre de médiation ou un médiateur pour aider à résoudre le litige à l’amiable.